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Issaka TOGUYÉNI, Commandant de la Police municipale de Fada : « La Police municipale est une police de proximité au service de la sécurité intérieure »

La Police municipale est née du processus de décentralisation avec les premières élections municipales de 1995. Afin de permettre aux exécutifs locaux qui ont la charge d’administrer les collectivités locales de veiller au respect des prescriptions municipales dans les compétences qui leur sont reconnues, il leur fallait un instrument d’autorité. C’est ainsi qu’a été créée la Police municipale de Fada N’Gourma par décret le 20 juillet 1995 et placée sous l’autorité directe du maire. Le rôle de cette structure paramilitaire, qui joue un grand rôle dans la ville, est souvent méconnu. Ce corps a souvent même mauvaise presse au sein de la population urbaine. Pour lever le voile, Civitac est allé à la rencontre du Contrôleur de Police Issaka TOGUYÉNI, qui a la charge du commandement de la Police municipale de Fada.

Civitac : Monsieur le Commandant, comment est née la Police municipale à Fada N’Gourma ?
La Police municipale, dans son format actuel, est d’apparition récente, comparée aux autres corps paramilitaires. Sa création découle de l’avènement du processus de décentralisation en 1995, lui-même marquant une évolution dans le processus démocratique de notre pays. Deux textes fondamentaux avaient été pris pour consacrer cette existence et déterminer les conditions dans lesquelles ce corps devait évoluer. Il s’agit notamment du :
• décret N° 95-291/PRES/MAT/MEFP/MJ du 20 juillet 1995 portant création et attribution de la Police municipale, et
• décret N° 95-292/PRES/MAT/MEFP/MJ du 20 juillet 1995 portant statut particulier des personnels de la Police municipale.

Je dois rappeler que la Police municipale (PM) a existé dans notre pays avant 1995. Mais elle a été supprimée en 1988, à la suite d’une lettre du maire de la commune datée d’avril 1982, qui demandait non pas la suppression du corps mais plutôt son intégration à la Police nationale pour en alléger les frais de gestion et faire bénéficier à ses agents [ndlr. de la Police municipale] d’un encadrement plus efficace. Ce sont les deux décrets de 1995 susmentionnés qui sont venus reconstituer la Police municipale sous le format que nous lui connaissons actuellement.

La Police municipale de Fada N’Gourma a donc été également consacrée à partir de 1995 ?
Evidemment. En 1995, le corps a été recréé avec une dizaine d’agents venus de la Police nationale. Il compte de nos jours quarante-six (46) agents, dont 9 dames, issus de quatre promotions : 1998-2000, 2002-2004, 2009-2011 et 2017-2019. Le recrutement se fait selon le besoin estimé par le Conseil municipal, qui émet alors un arrêté sur la base duquel le concours s’opère.

Le Contrôleur de Police, M. Issaka TOGUYÉNI dirige l’unité de la PM de Fada depuis 2013.

Commandant, la Police municipale est un corps assez méconnu, souvent dévoyé par les populations urbaines. Quelles sont les missions de la Police municipale ?
Beaucoup de nos populations, hélas, méconnaissent encore le rôle de la PM. D’emblée, il est important de noter qu’une Police municipale est une police de proximité basée au sein d’une commune donnée et chargée de la protection des personnes et des biens. Conventionnellement, ce corps paramilitaire a une mission essentiellement de police administrative, c’est-à-dire une police chargée de gérer l’ordre public, d’assister aux recouvrements, etc.

Qu’entend-on par « ordre public » ?
Cinq éléments caractérisent l’ordre public. Il s’agit de la sécurité publique, la tranquille publique, la salubrité publique, les bonnes mœurs et l’esthétique.

La sécurité publique renvoie à l’absence de trouble menaçant les personnes et les biens. Entre autres troubles, nous pouvons citer les agressions physiques, les accidents, les vols, etc. C’est là un axe majeur du combat de la Police municipale depuis des années. C’est pourquoi nous nous occupons de la réglementation de la circulation routière ; la sécurité des infrastructures publiques comme les bâtiments de la mairie, les marchés ; la sécurité des manifestations, qu’elles soient organisées par les services publics ou les particuliers ; la protection des personnes et des biens contre les fléaux naturels telles les épidémies, les inondations avec leurs conséquences, la protection contre les incendies ; la protection contre les aliénés mentaux présentant un danger pour les citoyens ou portant atteinte à la moralité publique ; l’accompagnement des agents de recouvrement ; la question des stationnements et des installations sur le domaine public. Sans être exhaustif, nous pouvons dire que la PM peut être saisie dans le cadre des missions ci-dessus énumérées.

A quel moment peut-on saisir concrètement la PM pour décanter une situation de trouble à l’ordre public ?
Notre corps qu’est la PM se veut plus proche des populations. Donc elle peut être saisie par tout citoyen dans des situations diverses, et ce par simple appel téléphonique. Quand par exemple il y a embouteillage dans les carrefours rendant la circulation difficile, ou des malades mentaux sont en errance en ville et risquent de menacer la sécurité des personnes et des biens, ou encore si des véhicules sont mal stationnés et perturbent la circulation. Elle peut être enfin saisie quand on juge que certaines personnes se sont installées anarchiquement sur le domaine public et constituent un risque d’insécurité.

Descente des éléments de la Police municipale dans un dépôt de boissons frelatées.

Vous avez évoqué également la tranquillité publique ?
C’est la deuxième composante de l’ordre public. La tranquillité publique a pour but de prévenir les bruits et manifestations de nature à troubler le repos des citoyens en assurant la prévention des bruits et des désordres dans les rues et les lieux publics. Dans ce sens, la Police municipale protège la population contre les nuisances sonores venant principalement des lieux de manifestations, des bars, restaurants et maquis ; des vidéoclubs et autres lieux de spectacles et de réjouissances ; des lieux de culte (Eglises, Temples, Mosquées, maisons transformées en lieux de prière…) ; des ateliers de soudure et des lieux de vente de cassettes ; des garages et autres lieux de travail ; des appareils de musique du voisinage.

N’importe qui peut donc saisir la Police municipale quand il estime ne pas jouir de cette tranquillité publique ?
Oui. Lorsque le bruit se produit à des heures non autorisées, comme les heures de repos par exemple, la PM peut être contactée afin de ramener la quiétude.

Comment se présente la mission de la PM en matière de salubrité publique ?
Oui, la troisième composante mais non moins importante de l’ordre public est cette salubrité publique-là que nous appelons également l’hygiène publique. C’est en fait l’ensemble des moyens mis en œuvre par les pouvoirs publics pour la sauvegarde et l’amélioration de la santé des populations. Dans ce cadre-là, la Police municipale lutte d’arrache-pied contre le jet des eaux usées de ménage sur la voie publique ; le jet des eaux usées de toilettes sur la voie publique par des canalisations ; les abattages clandestins ; le jet des ordures dans l’espace public. Cette salubrité est d’autant plus nécessaire pour les villes émergentes, en constante expansion, que nous veillons également à ce que les propriétaires des débits de boissons et des restaurants aient des toilettes propres et utilisent des eaux propres pour la vaisselle destinée aux clients et aussi que les mécaniciens ne versent pas les huiles de vidange et autres sur les lieux de travail ou sur la voie publique. Lorsque des citoyens ne respectent pas ces prescriptions, toute personne peut appeler la Police municipale.

Des composantes de l’ordre public, les bonnes mœurs semblent être les plus vagues. Qu’entend-on par bonnes mœurs, Commandant ?

Vous avez raison, la notion est souvent incomprise. Les bonnes mœurs sont définies comme un ensemble de principes, de règles morales plus précisément, qui régissent une société, en particulier sur le plan sexuel. Les comportements, attitudes ou actes pouvant porter atteinte à ces principes ou règles doivent être réprimés. Habituellement, lorsque l’on évoque les bonnes mœurs, on pense tout de suite à la prostitution. Or, au Burkina Faso, la prostitution n’est pas une infraction. Ainsi, toute personne est libre d’utiliser son corps comme il l’entend. Cependant, cette liberté ne doit pas porter atteinte aux mœurs, aux normes de bienséance, à la moralité publique. D’où l’interdiction des activités liées à la prostitution comme le proxénétisme, le racolage. Le maire d’une commune a donc en charge la protection des bonnes mœurs dans son ressort territorial.

Et comment s’opère la mission de la PM dans ce sens ?
Au titre des bonnes mœurs, la population peut appeler la Police municipale dans des cas précis. Par exemple, si des prostitué(e)s occupent votre six-mètres et mènent des activités liées au sexe, au vu et su des enfants. Aussi, si votre voisin est en train de construire des chambres de passe pour y héberger des prostitué(e)s, votre voisin a un vidéoclub et il y projette des films obscènes pour les enfants, il y a un malade mental qui se promène tout nu dans votre quartier… la Police municipale intervient.

Vous avez également cité l’esthétique comme la dernière composante de l’ordre public. A quoi renvoie-t-elle ?
L’esthétique c’est l’embellissement de la ville à travers l’érection de monuments, de jardins, de bandes florales. Ainsi, le maire de la ville a l’obligation de rendre sa ville belle, attractive. Ce qu’il réalise doit être également protégé.

C’est dans ce sens-là que la Police municipale peut être commise à la protection des réalisations d’embellissement de la ville et saisie quand des individus sont en train de détériorer les monuments, les jardins ou les bandes florales de la ville ; ou que des animaux du voisin sont en train de détruire vos fleurs ou celles des espaces publics, etc.

Au-delà de tout ce qui est embellissement, il y a la lutte contre la dégradation du couvert végétal. Dans cette dynamique-là, lorsque la population est en train de ramasser des agrégats sur la route ou sur des espaces vides, la PM peut être requise pour mettre fin à ces pratiques.

Et qu’est-ce qui se passe quand la PM est saisie ? Ce sont les amendes ou la garde à vue ?

Le rôle de la PM n’est pas de sanctionner systématiquement. Il consiste d’abord et surtout pour la Police municipale à éduquer et à former en permanence, à informer sans relâche, à sensibiliser aussi régulièrement que possible, à prévenir, à accompagner et à encadrer les citoyens dans les domaines dont nous avons parlé. C’est pourquoi nous faisons des sensibilisations dans tous les 11 secteurs et 34 villages de la commune de Fada, sur base de communiqués et de communications interpersonnelles. Et tout ceci dans le seul souci de contribuer à l’amélioration et au bien-être de la population. Quand cette population comprend ce que vous faites, la collaboration s’en trouve plus aisée et plus renforcée.

Justement, la collaboration est souvent difficile entre les populations urbaines et votre corps. Qu’est-ce qui peut expliquer cela, selon vous ?
C’est un constat juste. Des relations historiques de méfiance existent entre la police en général et la population. Cette méfiance, combinée avec l’incivisme actuel qui caractérise la population burkinabè, est source de préjugés et de malentendus vis-à-vis de la Police municipale. Certains éléments de la PM ont également contribué, de par leurs comportements, à exacerber les rapports entre la population et le corps. Que ce soit au niveau des équipements marchands, de la circulation routière, des équipes de désencombrement des voies publiques, il y a des problèmes de collaboration entre les citoyens et les policiers. Les critiques formulées à l’encontre des policiers municipaux vont de la qualité des services rendus aux comportements mêmes des agents. Or, il est quasi impossible d’être efficace dans un environnement de méfiance, de défiance ou de haine. Pour réussir la lutte contre les désordres urbains, il est impérieux que les policiers municipaux collaborent avec la population. C’est un défi que nous voulons relever, en construisant une Police municipale qui accompagne la population et non qui suscite la crainte.

Votre mot de fin ?
Merci beaucoup à Civitac pour cette tribune qui nous permet de dire ce que nous sommes et de rappeler aux populations que la sécurité est le problème de tous. Avec les autres corps, comme la Police nationale, la Gendarmerie nationale, nous travaillons pour assurer la protection de la population, à qui je demande de continuer à collaborer avec les Forces de défense et de sécurité, encore plus en ces temps difficiles que connaît notre région sur le plan sécuritaire. Pour finir, je dirai que la Police municipale est une police disponible, à l’écoute des citoyens. Faites-nous confiance.

Propos recueillis par Tûwênd-Nooma Jean Damase ROAMBA, Observateur Civitac, région de l’Est

     

 

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