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Phénomène de carbonisation à l’Est : « A cette allure, la Tapoa deviendra un désert total dans moins d’une décennie », préviennent des citoyens sur Internet

Des citoyens tirent la sonnette d’alarme. Un désastre écologique est à craindre dans la région si rien n’est fait. Et pour cause, l’exploitation anarchique et insuffisamment réglementée du secteur bois-énergie dans cette contrée du Burkina Faso. En effet, au Burkina Faso, le bois (bois de feu et charbon de bois) constitue la principale source d’énergie des ménages et d’autres utilisateurs (artisans, restaurateurs, unités industrielles.) La région de l’Est est l’une des vaches laitières du pays en termes de potentiel forestier. Mais par manque de régulation, cette région risque de basculer vers le cycle désertique, préviennent des citoyens.

Tout est parti d’un constat de Rodrigue Pougda GNOULA sur le réseau social Facebook. Il raconte : « Hier [ndlr le 23 mars passé], de 12h à 16h30 sur le tronçon Kantchari-Matiacoali-Fada, trois (03) camions chargés à satiété de charbon de bois ont été aperçus. Le génocide écologique continue dans l’indifférence totale. Demain, le désert nous réveillera en plein minuit. »

Habitant de la commune de Diapaga, dans la province de la Tapoa, cette routine ne lui est plus étrangère. En effet, c’est depuis 2016 que Rodrigue tire la sonnette d’alarme sur les réseaux sociaux sur ce phénomène de carbonisation et de production du charbon. Il a minutieusement observé et documenté la pratique dans la zone. « Sur la route Kantchari-Diapaga d’une distance de 60 Km, nous avons dénombré vingt-trois (23) dépôts de vente de charbon de bois d’au moins cinquante (50) sacs remplis de charbon. Soit un tas ou dépôt tous les trois (03) km. Nous avons fait constater une moyenne de six (06) chargements de camions dits « 10 tonnes » par semaine. En effet, deux (02) camions dédiés au transport du charbon sont permanents sur cet axe et chaque camion fait en moyenne trois (03) chargements par semaine. Si nous considérons qu’un chargement peut atteindre cent (100) sacs, nous comptons six cent (600) sacs de charbon de bois par semaine. Dans le mois, cela donnera deux-milles quatre cent (2 400) sacs de charbon. Et dans l’année, ça fera vingt-huit mille huit cent (28 800) sacs de charbon sortis de cette forêt située entre Diapaga et Kantchari. »

Plusieurs camions de ce type remplis de bois ou de charbon arpentent régulièrement les rues de la région de l’Est.

Comme on peut aisément le deviner, il s’ensuit inéluctablement une dégradation accrue des ressources forestières pourvoyeuses du bois-énergie. En effet, les 6 616 456 ha (24%) de forêt et 9 714 100 ha d’autres terres boisées que compte le Burkina Faso sont indéniablement des espaces qui s’amenuisent. C’est le constat du second inventaire forestier national (IFN2) réalisé entre 2012 et 2015, et rendu public en juin 2017. Cette étude précise ainsi qu’entre 1980 et 2014, le volume total de bois sur pied a régressé de 7 742 millions de m3 par an, soit un taux moyen de diminution du volume total annuel de bois de 1,1 %.

Un forestier qui a requis l’anonymat explique que le charbon de bois, qui est un résidu solide dérivé de la carbonisation ou de la torréfaction du bois [du tronc et des branches] et des dérivés ligneux provenant de systèmes de production traditionnelle, n’est pas illégal. « C’est la pratique elle-même qui est mal faite. Sinon on utilise du bois mort pour l’activité. C’est ce qu’on appelle la valorisation des produits forestiers. Il ne faudrait pas seulement qu’on utilise du bois frais pour ça et il y a des zones aménagées spécialement pour cela », précise-t-il. Seulement, dans la pratique, la réalité est tout autre. « Ce n’est exclusivement pas du bois mort qui est utilisé, et les acteurs ne sont pas conséquemment suivis », déplore Rodrigue GNOULA. Pire, des complicités seraient peut-être à craindre, s’inquiète-t-il. Un autre internaute témoigne : « Dans mon village à Sakoani, les charbonniers coupent même les arbres verts pour attendre que ceux-ci sèchent avant de les brûler car il n’y a plus de bois sec. Les gens disent qu’ils n’ont pas le choix car ils n’ont pas à manger. Mais hélas, quand il n’y aura plus d’arbres dans cette chaleur de plus en plus cuisante chaque année, où irons-nous ? » s’interroge-t-il.

L’une des dizaines de dépôt de sacs de charbon en vente aux bordures de la voie entre Kantchari et Diapaga.

« Par ailleurs, continue Rodrigue GNOULA, si nous supposons qu’il faut un arbre pour produire dix (10) sacs de charbon de bois, ça nous donne donc vingt-huit mille huit cent (28 800) arbres abattus par an pour produire du charbon. Parce que les quantités de charbon que nous constatons témoignent bien qu’au-delà du bois mort, ce sont des milliers d’arbres vivants qui sont détruits dans cette déforestation aux fins de carbonisation. Vingt-huit mille huit cent (28 800) arbres par an, cela devrait inquiéter, mais personne ne dit mot, même les autorités compétentes en la matière. On attend peut-être que s’installe le désert pour commencer à le juguler. Je trouve cela déplorable, alarmant et très inquiétant. Et je défie quiconque qui soutiendrait que l’ampleur de l’activité dans nos forêts n’a pas des conséquences graves sur l’environnement. A cette allure la Tapoa deviendra un désert total dans moins d’une décennie. »

Le second inventaire forestier national (IFN2) est sans appel : le potentiel forestier national est en baisse. Le capital ligneux productif national, estimé à 504 millions de mètres cubes par an en 1980, a régressé de 9,4 millions de mètres cubes par an, soit une moyenne annuelle de 1,3%. Le volume de bois vert sur pied est de 467, 9 millions de mètres cubes. Au plan de la répartition spatiale, les régions de l’Est, de la Boucle du Mouhoun, des Hauts-Bassins, du Centre-Ouest, des Cascades et du Sud-Ouest concentrent l’essentiel des ressources forestières du pays, soit près du 4/5 du volume total de bois sur pied et séquestrent la plus grande partie du carbone à l’échelle nationale.

« La responsabilité de contrôle et de régulation de cette pratique est en grande partie dévolue aux services compétents. Mais les services forestiers ne font rien à ce propos », déplore M. GNOULA.

Rodrigue Pougda Gnoula appelle à une prise de mesures urgentes pour arrêter la saignée.

Cela relève d’une limite des politiques nationales engagées en matière de préservation de la matière végétale, ou tout au moins des failles dans leur mise en œuvre. Et il est nécessaire que des mesures urgentes soient prises pour corriger ces faiblesses.

Nos tentatives pour avoir des réponses à la Direction régionale de l’Environnement, de l’Economie verte et du changement climatique (DREVCC) de l’Est n’ont pas encore abouti.

Toutefois, il faut reconnaître que des efforts de sensibilisation sur l’importance de la forêt se font partout. « Et dans presque tous les villages, il y a des relais qui alertent l’autorité en cas d’abus. Il n’en demeure pas moins que ces pratiques continuent et même de plus belle », déplore un autre internaute. Ce dernier préconise d’encourager les mécanismes locaux de conservation et de gestion des forêts. Quoi qu’il en soit, le phénomène mérite une étude sérieuse et approfondie en vue d’une action intégrée, efficace et efficiente. Et la décision du Gouvernement en date du 19 mars 2021 d’augmenter le prix du gaz pourrait donner un regain à cette activité de carbonisation et de vente des dérivés du secteur bois-énergie. « Il faut vite arrêter cette destruction à outrance du couvert végétal dans la Tapoa avant qu’il ne soit trop tard », lance Rodrigue GNOULA.

Dans ce sens, il est urgent qu’un dispositif technique régulièrement mis à jour soit disponible pour suivre et actualiser les données sur l’état des ressources forestières dans la région, et partant dans le tout le pays.

Tûwênd Nooma Jean Damase ROAMBA, Observateur Civitac, région de l’Est

     

 

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