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Mahamadou KANTAGBA, un apôtre de la littérature comme ferment de la culture et vecteur du développement

Jeune, féru de littérature, plus connu sur les réseaux sociaux sous le pseudonyme de « L’autodidacte littéraire », ce mordu de littérature nous vient du Burkina Faso. A dos d’âne et par plusieurs autres canaux, il distille au quotidien les merveilles de la lecture. Diplômé en Mécanique automobile, Mahamadou KANTAGBA est un ouvrier saisonnier dans une société basée à Diapaga, ville située à 436 km de Ouagadougou et à 216 km de Fada dans la région de l’Est, au Burkina Faso. Plusieurs fois primé à l’échelle nationale et à l’échelle internationale, il se revendique « Africain » d’origine Burkinabè, et est notamment membre fondateur de l’association Lecture pour Tous et promoteur du festival Rendez-vous du livre et des Savoirs de l’Est (RELIS). Civitac est allée à sa rencontre pour en apprendre davantage sur son engagement.

Civitac : D’où vous vient cette passion pour le livre et la lecture ?
Mahamadou KANTAGBA : J’ai bénéficié très tôt d’un environnement favorable à la lecture. J’ai d’abord eu un passé d’enfant lecteur. Je dois surtout cet engagement à mon regretté père Seydou KANTAGBA, qui a travaillé avec Boubou HAMA, l’un des précurseurs de la littérature nigérienne. On avait donc tout temps à la maison des romans, des bandes dessinées et des nouvelles. Mon grand frère, écrivain, éditeur et enseignant chercheur au département de Lettres de l’Université Nazi-BONI, a également contribué à ma culture avec sa bibliothèque personnelle. Plus tard, l’expérience et la culture m’ont permis d’avoir une autre approche de la lecture. J’ai notamment pu apprécier la contribution des premiers écrivains dans notre marche périlleuse vers l’indépendance et l’émancipation des peuples noirs. C’est de tous ces frottements qu’est née et grandie ma passion.

Une passion qui vous a conduit à la création de l’association Lecture Pour Tous (LPT). Quels ont été les premiers pas de cette aventure ?
La mise en place de cette association a suivi trois phases. De 2005 à 2011, j’ai entamé une litanie de sensibilisations dans les cinq provinces de la région. Après de nombreuses rencontres avec des hommes de lettres et des chefs d’établissement d’enseignement secondaire, j’ai installé des clubs littéraires dans la deuxième phase intervenue entre 2011 et 2015. A la date d’aujourd’hui, nous avons 13 clubs de lecture, dont 6 dans la Tapoa, 6 dans la ville de Fada et un à Koupéla. La dernière phase est intervenue en 2017 avec l’officialisation de l’association Lecture pour Tous et la création du festival RELIS, qui est à sa quatrième édition.

Comment s’organise concrètement l’association ?
A ce jour, LTP regroupe des élèves, des étudiants, des écrivains, des lecteurs burkinabè et africains. C’est au moyen d’une bibliothèque ambulante de 652 livres que les ouvrages sont présentés aux lecteurs qui les empruntent régulièrement. Mais la bibliothèque ambulante n’est pas notre seul canal de promotion du livre. Il y a également des émissions radiophoniques en collaboration avec des radios de proximité dans les villes de Diapaga, de Pama et de Fada N’Gourma (toujours dans l’est du Burkina Faso), puis un festival littéraire, et enfin le Rendez-vous du livre et des savoirs de l’Est (RELIS). Les différentes éditions du RELIS ont vu la participation de pays voisins, dont le Niger, le Mali, le Bénin et le Togo. Enfin, notre troisième cadre formel de promotion du livre est la Rentrée et Escale Littéraires : une instance de rencontre des auteurs, lecteurs et spécialistes du livre. Subsidiairement, notre association organise des séances de lecture et des lectures-débat.

Vous êtes surnommé le « fou du livre », le « maire de Yirini » et autre. C’est donc la mission que vous vous assigniez en tant que mécène littéraire ?
Absolument. Ma mission est de partager cet engagement de la lecture et de la littérature, et de contribuer à l’édification de la chose écrite d’ici et d’ailleurs. Je suis dans la démarche de susciter, dans les communautés que je visite, des cercles pour une lecture vertueuse. C’est ainsi que dans la région de l’Est, où j’ai commencé, j’ai pu susciter l’avènement de 12 clubs de lecture et civisme (Litili Cogu). Aujourd’hui les membres de la première promotion de ces clubs sont à l’université, d’autres travaillent, et nous continuons à œuvrer ensemble pour appuyer les plus jeunes. La région du Centre-Est, quant à elle, vient de voir la naissance de son premier club au sein du Lycée Kouritta.

Avec l’association, nous entreprenons de promouvoir le livre en le rapprochant de l’une de ses potentiels lecteurs que sont les élèves, confie Mahamadou KANTAGBA.

Vous présentez vos clubs de lecture comme des cadres de formation multidimensionnelle ?
Les clubs de lecture et de civisme ont justement pour objectif de susciter le goût de la lecture au sein des élèves et des étudiants, car pour moi tout se trouve dans le livre. Ils sont des cadres de formation multi et pluridimensionnelle, dans la mesure où nous explorons dans les clubs les domaines de l’éducation pour embrasser la culture et la littérature, le civisme pour prendre en compte les droits humains, la politique et la réussite scolaire. Enfin nous magnifions l’art en essayant de tirer des livres que nous lisons des messages et réussites artistiques à partager. Deux fois par semaine, les membres des clubs passent à la radio Fada FM et Buayaba de Diapaga pour des émissions.

L’on a coutume d’affirmer que « le Noir ne lit pas ». Qu’en est-il des jeunes, en proie à la présence obsédante des nouvelles technologies ? Quel regard portez-vous sur cette situation en tant que panafricain engagé ?
(Rire). Qui a dit que l’homme noir ne lit pas ? Et qui est ce Noir ? Il faut comprendre qu’à l’origine nous ne lisions pas dans le même support que ceux qui ont prétendu avec mépris que nous étions analphabètes. Cela dit, il y a une crise dans la promotion du livre en Afrique que je propose de diagnostiquer autrement qu’au travers du prisme de la race. Et quand on jette l’anathème sur les jeunes, je ne suis pas d’accord car tout le monde est à blâmer. Si le jeune ne sait pas, c’est aussi de la responsabilité de l’aîné ou de l’adulte qui n’a peut-être pas su trop accompagner et créer l’environnement favorable. Par ailleurs, mes visites aux communautés me donnent une relative satisfaction quant au niveau d’appropriation de la lecture. Mais que pouvons-nous exiger à une famille qui est à 250 km de la bibliothèque la plus proche, et qui plus est se trouve enclavée ? Vous comprenez pourquoi dans certaines contrées le déplacement à dos d’âne s’avère plutôt pratique. Et nous devons continuer de recruter des gens à la lecture.

Quelles stratégies adoptez-vous pour justement « recruter » ces personnes qui ne sont pas portées sur la lecture ?
Avant toute intervention, je mène ma petite enquête rapide pour évaluer l’expérience de lecture de ma cible. Après cette phase, j’entame une sensibilisation à la culture du livre dans le sens de l’importance du livre dans la société, puis vient l’initiation à la lecture pour les débutants, et un rappel sur la force du livre pour les pratiquants à travers les différentes initiatives que j’ai évoquées plus haut, surtout la bibliothèque mobile, qui se veut aller là où il faut.

Votre bibliothèque mobile a-t-elle déjà dépassé les frontières du Burkina Faso ?
Pour l’instant mon souci n’est pas tant de franchir les frontières du Burkina Faso. Nous sommes plutôt sur la mise en place de partenariats avec des acteurs relais dans des pays voisins, tels le Niger, la Côte d’Ivoire, le Cameroun et le Togo. J’échange avec eux des ouvrages tout comme des techniques de gestion et d’animation. Par contre, notre travail, lui, est reconnu au-delà des frontières du Burkina Faso. KANTAGBA a déjà été invité dans 12 pays d’Afrique, dont la Côte d’Ivoire, le Tchad, le Niger et le Cameroun, où il a signé des conventions de partenariat qui lui permettent chaque année d’y conduire 2 élèves membres de ses clubs pour des salons du livre et partager son expérience. Depuis une année, je représente l’association internationale La Cène Littéraire au Burkina Faso.

Avez-vous connaissance de la présence de bibliothèques ou centres de documentation dynamiques dans la région de l’Est ?
Dans la région de l’Est, j’ai personnellement connaissance de quatre bibliothèques dignes de ce nom. Nous avons la bibliothèque de l’ENEP et celle du Lycée Diaba-LOMPO à Fada. A Kantchari et à Diapaga également, nous avons une bibliothèque dans chacune de ces villes. Celle de Kantchari est tenue par une association.

Mahamadou KANTAGBA, mécène et autodidacte littéraire.

La littérature dite africaine est en pleine émergence et a besoin de la pierre de chacun pour solidifier l’édifice. Vous revendiquiez tantôt cet héritage. Que proposez-vous pour accélérer cette émergence et son appropriation par les populations ?
Je n’ai pas la boule de cristal mais je pense qu’une bonne implication et une bonne sensibilisation des différents acteurs s’impose. C’est pourquoi je propose une bonne politique du livre auprès de nos gouvernants et des acteurs du livre.

Vous dites accorder une place importante à la petite enfance dans votre engagement. Comment cela s’illustre-t-il concrètement ?
Notre association est consciente que c’est dans les premiers moments de la vie de l’homme qu’il faut le mettre en contact avec le livre qui peut être, dans ce cas, une ébauche faites d’images. J’avoue en revanche qu’il s’agit là d’une littérature insignifiante dans mon environnement au Burkina Faso. La littérature destinée à la petite enfance se caractérise par l’absence d’auteurs, sinon par la présence d’ouvrages inadaptés en provenance d’Europe. Votre question constitue par ailleurs une interpellation que je partage formellement ; car nombre de pays africains connaissent cette question de la non-prise en compte de la petite enfance dans la promotion du livre. C’est pourtant une base importante sans laquelle il est difficile d’envisager des perspectives grandioses pour ce qui est de la lecture et de sa contribution au développement.

Quels sont les projets littéraires du mécène littéraire que vous êtes ?
Mes projets s’inscrivent dans une vision pour la lecture en Afrique. J’attache du prix à la littérature en tant que ferment de la culture et vecteur du développement. En tant que ferment, la littérature est censée renforcer notre identité, défendre notre dignité et notre droit au type de développement que nous aurons défini. Le livre, d’une manière générale, doit permettre des projections sur l’Africain de demain, un homme sans complexe, fier, mû par des valeurs qu’il sait défendre. Deux projets procèdent de cette vision panafricaniste. Le premier consiste en la création d’un centre littéraire, culturel et artistique, tandis que le second concerne la promotion d’un festival à l’échelle du continent. Le mérite de ces deux projets sera essentiellement de permettre la rencontre et la concertation.

Des conseils pour la jeune génération ?
Soyez des solutions aux problèmes et valoriser votre culture et votre contrée.

Votre mot de fin ?
Je lance un appel à nos gouvernants et acteurs publics en vue d’une meilleure contribution et implication dans la culture littéraire.

Propos recueilli par Tûwênd Nooma Jean Damase ROAMBA, Observateur Civitac, Fada N’Gourma

     

 

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