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Entrepreneuriat au Burkina Faso : « Il y a une fierté et une responsabilité à s’occuper de ses propres affaires » dixit Kondia François LOMPO, concepteur de Boncelimani

Entrepreneur, juriste d’affaires, spécialiste du management, de l’entrepreneuriat et du milieu rural, coach en développement personnel, autant de casquettes que Kondia François LOMPO porte avec fierté et responsabilité. Après un master 2 à l’Université Senghor d’Alexandrie, il crée en 2019 le concept « Boncelimani » comme solution à la pauvreté et au chômage des jeunes. Entretien.

Civitac : Qui est monsieur LOMPO ?
Je suis LOMPO Kondia François, à l’état civil. Sur les réseaux sociaux on m’appelle Ikoanga LOMPO. Parfois on m’appelle du nom du concept « Boncelimani » ou « la boncelimania ». [Lire bontchélimani]. J’ai fait des études de Droit des affaires à l’Université de Ouagadougou [. Actuelle université Thomas SANKARA], avant d’aller travailler en milieu rural dans le domaine de la décentralisation. Et après, je suis parti à l’université Senghor D’Alexandrie en Egypte pour travailler sur l’entrepreneuriat. J’y ai fait un master où le mémoire portait sur la promotion de l’entrepreneuriat des jeunes en milieu rural.

Vous l’avez dit, vous êtes promoteur du concept « Boncelmani ». De quoi s’agit-il ?
Ma conception de la vie est que les parents nous ont mis à l’école pour apprendre le savoir classique le mixer ou l’adapter à nos savoirs locaux pour créer le développement. A mon retour des études donc, j’ai cherché à traduire le mot entrepreneuriat. C’est comme si j’avais repris un peu mes enquêtes [académiques pour l’obtention du master]. Et dans mes recherches, j’ai trouvé justement que le mot « entrepreneuriat » existe dans nos différentes langues. A la base, c’est en langue gulmacema seulement que j’avais cherché et trouvé qu’il existe un proverbe dans notre langue qui traduit parfaitement l’esprit de l’entrepreneuriat : c’est Boncelimani. Le terme Boncelimani veut dire : « Il est préférable d’avoir pour toi », « Bats-toi pour ne pas dépendre de quelqu’un ». « Cherche pour toi et créé ta propre activité, ta propre entreprise. » Et je dis, eurêka ! Car ce proverbe est présent et significatif dans toutes nos langues locales. Ce qui est littéralement traduit approximativement en français par « il ya une fierté et une responsabilité à s’occuper de ses propres affaires. »

En mooré par exemple, Boncelimani, on peut le traduire par « M mɛng rilĩ noom n yiida »

Boncelimani c’est donc un concept qui appelle à une révolution des mentalités en matière d’entrepreneuriat ?
C’est bien cela. On a utilisé ce nom là pour bâtir notre centre d’entrepreneuriat que nous avons créé à Diapangou, nous l’avons formalisé à la maison de l’entreprise en 2020. Actuellement, j’ai provoqué plusieurs conférences au niveau national. Je me suis rendu dans les plusieurs communes de la région de l’Est, au Centre-Est à Koupela, à Ouagadougou, à Dédougou entre autres, pour présenter le concept. A l’étape actuelle, il est opérationnel. On l’a testé et validé sur le terrain. Et maintenant nous cherchons à le vulgariser afin que chaque jeune burkinabè comprenne le fond de ce message, car convaincu qu’une fois que l’on est conscient qu’il est préférable de te battre pour créer ta propre activité ou structure pour ne dépendre de personne, l’on a fait un grand pas dans la vie.
Je pense que tout ce que nous cherchons dans la vie c’est d’être autonome, être émancipé, avoir ta propre activité et conduire les choses selon la vision et la direction que l’on voudrait lui donner. A votre guise si vous voulez. (Rires.)

C’est une entrée en matière profonde qui montre que vous êtes engagé dans le développement local, dans la sensibilisation et la formation. Comment les actions de formation à l’endroit des jeunes s’opèrent-elles concrètement sur le terrain ?
En 2020, j’ai lancé un concept. Le programme « Déclic entrepreneur ». D’autres personnes l’appellent souvent le « programme comprendre avant d’entreprendre ». Cette initiative nous a conduit à proposer des cours de vacances aux élèves. Le constat est que pendant neuf mois, ces élèves sont à l’école classique où ils bénéficient de l’instruction de l’enseignement général. Pendant les vacances, nous les prenons un mois ou deux pour pouvoir éveiller leur esprit entrepreneurial. A l’école classique, ils apprennent à parler du gros français, ils vont avoir de gros diplômes. Mais après concrètement...

...comment avoir l’argent pour payer ses factures reste une grosse préoccupation.

Pour vous la formation en entrepreneuriat est une solution au chômage des jeunes ?
En tout cas c’est une conviction. Pendant le « Programme déclic entrepreneur », qui est une approche endogène de l’entrepreneuriat, nous traitons concrètement de comment l’on éveille l’esprit entrepreneurial, comment découvrir les opportunités dans son milieu, comment est-ce qu’on les saisit, comment est-ce qu’on cherche concrètement l’argent. Le rêve de fonctionnaire est un vieux rêve aujourd’hui au regard de l’austérité qui entoure les concours de la fonction publique. L’Etat actuellement se cherche avec tout ça. Et nous, nous estimons que ça : [l’entrepreneuriat] peut-être notre contribution concrète au problème de chômage et de pauvreté. Ce programme déclic est à sa deuxième édition cette année. A la première édition en 2020, il y avait une vingtaine de participants. Cette année nous avons eu 52 jeunes pour les cours qui se sont déroulés à Fada du 15 juillet au 15 septembre 2021. En collaboration avec l’association Pas-à-Pas qui offre chaque année pendant les vacances des cours d’informatique, j’ai proposé cette année de joindre des cours d’entrepreneuriat au profit des jeunes. Du lundi au vendredi, ils sont aux cours d’informatique et le samedi, on passe toute la journée à parler d’entrepreneuriat.

A la lumière des expériences des deux éditions, comment appréciez-vous l’impact du concept boncelimani ? A-t-il pu créer un déclic chez certains jeunes ou de la part des parents ?
En termes de retour, je peux témoigner que les gens sont réceptifs, déjà parce que c’est un proverbe du milieu. Après mes études et mes recherches j’ai voulu trouver un concept qui « parle » véritablement aux gens et qui leur permette de comprendre de quoi l’on parle. Sur ce point, je crois que c’est un acquis. Maintenant, nos cours emboitent des aspects à la pédagogie de l’école ; c’est-à-dire que nous enseignons des leçons pour éveiller l’esprit...

...et stimuler le potentiel.

Mais après est-ce que sur le terrain y a des choses hic et nunc ? Ce sont des élèves pour la majorité donc ce n’est pas évident. Certains m’ont dit qu’ils vont faire l’élevage, d’autres du commerce et d’autres font de petits boulots pendant les vacances pour se faire un peu d’argent avant la rentrée. Je n’ai pas encore organisé vraiment un suivi sur le terrain là-dessus mais j’ai quelques retours positifs car j’ai créé un groupe WhatsApp de motivation où tous ces jeunes se retrouvent.
Et de temps en temps, certains partagent les images de leurs activités comme la vente de chaussure, de bouillie, de poisson et j’en passe. J’ai beaucoup d’exemples dans ce sens.

Comment envisagez-vous la suite actuellement ?
Continuer la vulgarisation du concept. Je vous raconte une anecdote. Dans mes recherches, je suis tombé un jour sur un message de développement personnel très fort qui dit que : « Chacun de nous a le pouvoir de créer son propre succès. » J’ai trouvé ce message universel, qui fait de telle sorte que le concept boncelimani mérite d’être vulgarisé à travers le monde entier, parce que cela parle à chaque être humain. C’est quelque chose de fondamental pour chaque homme sur cette terre et c’est davantage un rêve que nous voulons faire épouser aux jeunes de nos pays qui en ont besoin pour se développer et développer nos pays. Je suis par exemple invité ce 30 septembre 2021 à l’Université Senghor d’Alexandrie [ndlr. de la Francophonie basée en Egypte], pour une sortie de promotion où je profiterai pour délivrer une conférence au profit des étudiants de Senghor.

Certaines personnes ont des critiques acerbes à l’endroit des champions du développement personnel que sont les coachs et “motivateurs” ainsi que des champions du capitalisme que sont les entrepreneurs. Que répondrez-vous si l’on vous reproche de promouvoir l’individualisme avec le concept boncelimani, qui dit clairement « qu’il est mieux d’avoir pour soi » et sous-entend qu’il ne faut pas travailler pour quelqu’un ?
Oui, l’on a souvent eu affaire à ce genre de critiques dans nos conférences.

Au fond, Boncelimani ne veut pas promouvoir un individualisme égoïste, au contraire.

C’est de l’individualisme certes mais pas de l’égoïsme. L’individualisme dans ce sens où nous appelons à une responsabilisation de chaque être humain ; parce qu’il faut que chacun prenne conscience qu’il est responsable de sa propre vie. Qu’il est le responsable de son succès ou de son échec. Et de se battre justement pour aller vers le succès, pour aller vers l’amélioration de soi. Dans mes conférences, j’insiste beaucoup là-dessus. Je ne dis pas qu’il est mauvais d’aller travailler pour quelqu’un d’autre. Certains hélas, quand on les accompagne à découvrir un peu leur talent, ils mettent la charrue avant les bœufs. L’entrepreneuriat demande que tu sois assez autonome pour prendre tes décisions toi-même, ce que j’appelle l’auto-conduite. Et il y en a qui ne peuvent pas malheureusement, qui aiment recevoir des ordres de quelqu’un pour se mettre à la tâche. Mais j’insiste il est important d’aller travailler pour quelqu’un pour deux (02) raisons. Premièrement, pour apprendre comment ça marche, parce qu’un jour tu voudras que des gens travaillent pour toi, comment est-ce que tu vas gérer, si toi-même tu n’aurais pas appris ? Deuxièmement, vous pouvez aussi aller travailler pour quelqu’un afin d’avoir les fonds nécessaires pour démarrer quelque chose.

...comment avoir l’argent pour payer ses factures reste une grosse préoccupation.

Si tu trouves que le salariat ou ton engouement c’est à la fonction publique, engage-toi mais il faut tu sois responsable de ta vie. C’est dans ce sens que nous parlons d’individualisme mais pas de l’égoïsme. Car pour développer les autres, il faut d’abord être soi-même développé. Ne dit-on pas que le développement de la nation c’est la somme des développements individuels ?

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre tâche dans le contexte difficile de la crise sécuritaire dans pays et en particulier dans la région de l’Est ?
Oui, il y a pleins de difficultés, je ne vais pas cacher la réalité. En tant que promoteur du concept, il a fallu que je fasse appel à mon sens du sacrifice et de l’engagement pour la communauté quand je suis rentré des études en 2019 au Burkina Faso. Parce que j’ai refusé depuis 2019 de me faire recruter par une structure dans la mesure où je suis rentré avec un projet professionnel qui est de porter sur les fonts baptismaux un centre d’incubation rurale d’entreprise pour les jeunes.

Donc vous avez refusé de vous faire recruter dans une structure ?
Absolument. Je me suis dit que si je suis recruté, je risque de consacrer tout mon temps aux obligations professionnelles et je ne pourrai plus travailler sur mon projet. Et franchement j’ai traversé la galère en 2019, 2020 et même jusqu’à présent ce n’est pas simple. Je ne vous dirai donc pas ce que j’endure justement pour pouvoir rester. Je vois tellement d’offres alléchantes passées que je suis tenté de me laisser aller. (Rires.) Mais je tiens toujours à ma vision et me bats pour qu’elle s’enracine.

Prochains pas : concrétiser le projet de centre d’incubation.

On a monté un projet sur le centre d’incubation qu’on a soumis au conseil régional de l’Est. Ce projet est toujours sur la table là-bas. J’ai dit, je ne vais pas attendre cela. Je suis rentré à Diapangou, j’ai loué un petit bureau. J’ai transformé le bureau en secrétariat public pour pouvoir faire tourner les choses et de temps à autres j’ai des consultations pour aller faire des formations. Donc c’est un peu ces choses qui me permettent de garder la tête sur les épaules et garder le cap. Et à côté de pouvoir travailler mon projet. Et franchement j’y tiens, et j’y travaille nuit et jour.

Trois conseils pour la jeunesse ?

  • S’assumer davantage (la responsabilisation) ;
  • Se former pour comprendre avant d’entreprendre ;
  • Passer à l’action.

Un mot de fin ?

Nous sommes ouverts à des collaborations pour faire du coaching aux jeunes. Nous avons déjà reçu quelques visites ici à Diapangou de certaines organisations comme le Bureau régional du PNUD, le bureau de l’USAID avec qui nous collaborons. Nous sommes sur un processus de collaboration avec Enabel dans le Centre-Est et Job Booster à Fada. Donc oui, nous sommes ouverts aux collaborations. Et merci à Civitac pour cette tribune. Merci pour cet entretien.

Propos recueillis par Tûwênd Nooma Jean Damase ROAMBA, Observateur Civitac, Diapangou.

     

 

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