Lancement opérationnel de FASOVEIL : La contribution des OSC et des médias à la stabilisation des territoires débattue
Le lancement de la phase opérationnelle du projet FASOVEIL a eu lieu le mardi 25 avril 2023 en présence du Premier ministre Me Appolinaire Kyelem. Le Laboratoire Citoyennetés et la Fondation Hirondelle, mandataires du projet, ont à la même occasion organisé un panel. Celui-ci avait pour objectif de produire des pistes de réflexions pour accompagner le déroulement de FASOVEIL.
C’est sous la modération de Dr Thomas OUÉDRAOGO, Directeur exécutif du Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD), que s’est tenu le panel. Il a consisté en trois communications qui ont permis un échange à bâtons rompus avec les participants.
La première communication a été assurée par Seydou TRAORÉ, Directeur général adjoint de l’Administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité. Et c’est en sa qualité de chargé des libertés publiques et des affaires politiques du ministère de l’Administration territoriale qu’il a été invité pour traiter de « L’implication des mesures sécuritaires sur les libertés individuelles et collectives ». En guise d’introduction il a rappelé que, depuis 2015, le Burkina Faso est en proie à des difficultés sécuritaires. Et c’est pour y faire face que le gouvernement actuel a adopté des mesures (notamment la loi sur la mobilisation générale et la mise en garde) qu’il espère être salvatrices. Il a tenu à rappeler que ces mesures sont constitutionnelles, car elles sont bâties sur l’article 101 de notre Constitution.
La première mesure est la déclaration de l’état d’urgence décrété le 30 mars 2023 dans 8 régions du pays. L’état d’urgence est défini comme une situation de crise permettant aux autorités administratives de prendre des mesures exceptionnelles qui peuvent restreindre les libertés individuelles et collectives.
La mobilisation générale constitue la deuxième mesure. Elle est inscrite dans la loi 026/94 ADP du 24 mai1994 portant organisation générale de la Défense nationale. Elle est définie comme la mise en œuvre des moyens de défense déjà préparés. Cette loi concerne d’abord les Forces de défense et de sécurité, puis les FDS en situation de non-activité, et, enfin, les jeunes de 18 ans au minimum.
La mise en garde, quant à elle, permet de donner plus de réussite à la mobilisation générale et permet au gouvernement d’avoir une liberté d’action. Et cela dans l’objectif de diminuer la vulnérabilité des populations et des équipements principaux (les lignes téléphoniques, les barrages, etc.)
M. TRAORÉ, après avoir élucidé les différentes mesures, a relevé leurs implications sur les libertés publiques et celles de la presse. Au niveau des libertés publiques il y a entre autres :
• La réquisition des personnes, des biens et des services (même si cette réquisition peut se faire moyennant une indemnisation, elle demeure une contrainte, une restriction de la liberté.)
• L’interdiction de circuler dans certaines zones à certaines heures ainsi que l’interdiction de circuler avec certains engins (c’est donc un droit fondamental, celui de liberté d’aller et de venir, qui est ici restreint.)
• Les perquisitions le jour et la nuit dans les domiciles des citoyens.
• Le contrôle et l’interdiction des réunions de nature à inciter ou à créer ou entretenir le désordre.
• Le contrôle et l’interdiction et la cessation de tout enseignement incitant à la violence.
• L’assignation à résidence de toute personne qui incite ou crée le désordre de quelque manière que ce soit.
• La suspension ou la dissolution de tout groupe ou association qui participe à toute action qui porte atteinte au droit public.
• En matière de liberté de la presse, il y a la possibilité pour le ministre chargé de l’Administration territoriale de prendre toutes mesures pour assurer le blocage de tout moyen de communication incitant à la commission d’acte terroriste ou faisant leur apologie ou divulguant des informations ou stratégies militaires de nature à compromettre la mission des Forces de défense et de sécurité.
M. TRAORÉ a achevé sa communication en concluant qu’il est nécessaire pour les citoyens d’adopter de nouveaux comportements dans le respect desdites mesures afin de jouer leur partition dans la recherche de solutions de la situation actuelle que traverse notre pays.
De la stabilisation des territoires
La deuxième communication a été donnée par Hermann DOANIO, président du CNOSC/BF, sur le thème : « La société civile et le pouvoir public : quelle collaboration pour une meilleure contribution à la stabilisation des territoires. » Il a débuté par une clarification de l’expression « La stabilisation des territoires », qui lui permit de donner toutes les implications de la stabilisation des territoires. Il a en effet précisé qu’au-delà de l’aspect sécuritaire, cette stabilité implique aussi la mise en place d’un cadre économique pour permettre aux citoyens de s’épanouir dans leurs activités. Elle implique aussi de la part de l’Etat un travail pour rétablir la confiance en la Justice et l’acceptation du gouvernement. Elle appelle à la bonne gouvernance, au respect de la primauté du droit par les citoyens mais aussi par les autorités.
Dans le cadre de la stabilité des territoires, la société civile - qui est le parallèle des pouvoirs publics - est l’interface entre les citoyens et les pouvoirs publics. Les pouvoirs publics doivent ainsi agir pour défendre l’intérêt de la population. M. DOANIO affirme qu’au regard de toutes ces mesures prises, il faut un changement de fusil d’épaule de la part des OSC, pour adapter leur approche, afin de faire des critiques plus objectives en vue de contribuer à la stabilité du territoire. Il a ensuite relevé qu’il « appartient aux sociétés civiles de travailler à mener des recherches, à faire des études et faire des propositions en vue d’améliorer les imperfections qui peuvent émaner de ces décisions politiques ». Et pour y arriver, il soutient que les OSC devraient travailler à la sensibilisation des populations sur les principes républicains et le suivi citoyen des politiques publiques. Elles doivent également dénoncer des abus des agents publics à travers des mécanismes de plaidoyer et de communication.
Il a achevé sa communication en faisant remarquer la méfiance qui règne entre les autorités et les OSC. La nature non conventionnelle du régime et le contexte particulier d’insécurité ont, selon lui, exacerbé la méfiance que le pouvoir a envers les OSC.
Médias et droits humains
Hyacinthe SANOU, rédacteur en chef du Studio Yafa de la Fondation Hirondelle, a entretenu l’auditoire sur le troisième thème : « Médias et protection des droits humains : Quelles postures dans un contexte de fragilité ? Il a d’emblée fait observer qu’en ce qui concerne l’atteinte à la liberté de la presse, il y a tellement d’éléments : « Il s’agit des menaces de mort enregistrées contre des journalistes, notamment Newton Hamed BARRY, le journaliste Alain Alain TRAORÉ de la radio Oméga. » Il a aussi évoqué le cas des expulsions des journalistes français, les campagnes de dénigrement contre des journalistes, la suspension de la radio Optima, ainsi que l’audition des journalistes à la direction de sûreté. A cela s’ajoute le fait que le journaliste burkinabè ne peut plus avoir accès physiquement à tout le territoire pour faire son travail.
Qu’à cela ne tienne, M. SANOU reste convaincu que malgré toutes ces menaces et difficultés, « les médias se doivent de conserver l’essence de leur existence, qui est donc de collecter, traiter, diffuser et commenter l’actualité, y compris celle d’aujourd’hui, très délicate, liée au terrorisme ». Il en est ainsi parce que les médias ont la lourde responsabilité de veiller, pour tous, à la protection des droits humains, et, ce, en prévenant les abus et en les dénonçant le cas échéant, car, dit-il, « la cible principale du journaliste demeure l’assainissement du débat public, qui se fonde sur le droit à l’information ».
Pour ce faire, deux postures s’imposent aux médias. Il s’agit d’abord de l’éducation aux médias et à l’information des citoyens et les journalistes eux-mêmes surtout dans cette situation de floraison des activistes, ainsi que des pages Facebook. La seconde posture est la sensibilisation à la vérification des nouvelles reçues surtout sur le net. Il a terminé en rappelant que les médias sont les seuls canaux pour atteindre l’esprit des hommes, où naît toute paix.
Ces trois riches communications ont éclairé la lanterne des participants à ce panel, et ont permis de mener un débat fructueux. Des questions de compréhension, de rectification, ainsi que des compléments ont constitué le contenu de ce débat. Ce fut l’occasion pour les communicateurs de préciser leurs propos. Ces débats ont permis la proposition de certaines recommandations, parmi lesquelles l’invitation à inscrire au programme de FASOVEIL une conférence sur la presse et sécurité. La seconde recommandation est un projet d’adoption de loi pour la répression des mouvements à caractère sectaire.
Le panel a été clôturé par le Secrétaire permanent du Laboratoire Citoyennetés, Armand KABORÉ, qui l’a synthétisé en ces termes : « Nous sommes tous embarqués dans la même galère, donc nous avons un devoir de solidarité. Dans cette situation de crise, l’Etat a proposé des mesures. Et nous ne pouvons pas lui en vouloir pour avoir proposé. Mais ces propositions ne sont pas immuables ; elles peuvent évoluer. Et pour qu’elles évoluent, il faut qu’il y ait des propositions alternatives. Et c’est en cela que le projet FASOVEIL trouve tout son sens. »
Yves Joël YANOGO, Observateur Civitac, Ouagadougou
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