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Corvée d’eau à Fada en période de Covid-19 : un véritable casse-tête chinois

La ville de Fada, capitale de la région de l’Est, est située à un peu plus de 200 km de la capitale, Ouagadougou. L’eau potable y est considérée depuis quelques années comme une denrée très rare et précieuse. Les habitants sont impuissamment confrontés à une dure réalité : plusieurs jours sans une goutte d’eau pour ceux qui ont des « robinets » à la maison, un véritable chemin de croix pour les autres usagers de la pompe à motricité humaine ou des puits d’eau. Et la situation ne s’est guère améliorée en ces temps de Covid-19. Au contraire la grande majorité de la population rencontre toujours des difficultés d’approvisionnement en eau potable, dont l’importance n’est plus à démontrer dans le combat face à la pandémie.

Il est 23h46. Solange et Aïssa, deux élèves en classe de 4e, bravant le couvre-feu, sont à la pompe (fontaine). Elles espèrent repartir chacune avec 80 litres d’eau, c’est-à-dire quatre bidons de 20 litres chacun. Solange relate : « Dans la journée, c’est pratiquement impossible d’avoir de l’eau à Fada ici. Y a des coupures d’eau dans les maisons et les robinets payants [NDLR les bornes-fontaines gérées par des particuliers]. » Conséquence : les pompes sont saturées par une marée humaine, chacun voulant avoir quelque chose pour la cuisine ou la boisson. Malgré leur jeune âge, Solange et Aïssa sont déterminées : « Nous avons peur que l’heure du couvre-feu nous trouve dehors et qu’on tombe entre les mains de la police », confie Aïssa. Mais elles n’ont pas d’autre choix. Si elles ne prennent pas ce risque aussi, le lendemain « ça va chauffer à la maison », continue-t-elle, impassible, entre deux souffles, pendant qu’elle met les bouchées doubles pour faire tourner la masse de fer qui lui sert de manivelle et de visa au précieux liquide. La politique zéro corvée d’eau du président KABORÉ est encore un rêve pour elle.
En effet, le gouvernement a élaboré et mis en œuvre le Programme national d’approvisionnement en eau potable (PN-AEP) qui doit permettre d’atteindre l’accès universel en eau potable d’ici à 2030 et la mise en œuvre de « Zéro corvée d’eau » d’ici à 2020. Et le président du Faso a lancé cet ambitieux programme lors de son traditionnel discours à la nation de décembre 2018. Il a même consacré un axe entier au volet eau et assainissement dans le Plan national de développement économique et social (PNDES), référentiel de développement du Burkina de 2015-2020. Dans ledit axe, on peut aisément lire : « Mettre fin à la corvée d’eau dans tout le territoire burkinabè d’ici à 2020. » En attendant que cette vision se concrétise, Solange et Aïssa vont devoir faire encore des nuits blanches et braver tous les dangers pour doter leurs familles du précieux liquide.

Solange (en rouge) et Aïssa s’activent à la fontaine.

Même son de cloche au secteur 7. La mesure de la gratuité de l’eau pour les couches défavorisées décrétée par le chef de l’État dans le cadre de la lutte contre la Covid-19 est bien effective. Mais hélas ! « Faut attraper le fou avant de chercher à le raser. » Cette mesure, bien qu’ayant rendu l’eau gratuite, l’a également raréfiée. Les coupures d’eau au niveau des bornes-fontaines sont quasi quotidiennes. Ce qui ne facilite pas les choses. Selon David, un usager du secteur 7, avant la Covid-19, leur famille de 12 membres consommait quotidiennement deux barriques d’eau. Mais depuis la gratuité, c’est à peine s’ils ont une barrique par jour pour la boisson, la toilette et la cuisine. Et cela parce qu’à la fontaine chaque foyer n’a droit qu’à une barrique par jour. Mme Tikoa (nom que nous lui donnons), gérante de borne-fontaine, nous explique que la mesure de gratuité a débuté le 7 avril chez elle. « On [la direction régionale de l’eau] nous a demandé de ne pas donner plus d’une barrique par foyer. » Elle continue : « Les gens ont compris, donc ils viennent enlever seulement. Certains amènent de l’argent, mais je leur dis non, c’est gratuit. »

Mme Tikoa, gérante de borne-fontaine.

Une coopération payante
Ainsi, Mme Tikoa aurait perçu une première paie le 17 mai 2020. Un deuxième relevé de compte a été fait début juin, et elle espère être récompensée de sa collaboration.

Aller au-delà des promesses et travailler à réduire l’injustice sociale entre les grandes villes et les autres régions.
Interrogé sur les causes de cette difficulté constante d’accès à l’eau potable dans la ville de Fada, un agent de la Fonction publique - qui a requis l’anonymat – cite, entre autres, les changements climatiques. A l’en croire, cela a augmenté la variabilité du cycle de l’eau, et empêche une prévisibilité de la disponibilité de l’eau. Il a également évoqué le flux de déplacés internes fuyant la barbarie de l’insécurité dans les différents villages de la commune et communes environnantes. « Cette situation entraîne une demande croissante en eau », explique-t-il. Il a également fait cas de l’ensablement des différents barrages, surtout celui de Tandjari, qui dessert une bonne partie des branchements particuliers de l’ONEA. Mais pour cet agent de l’Etat, la grande cause demeure l’absence d’équité entre les grandes villes comme Bobo-Dioulasso et Ouagadougou, d’une part, et les autres régions, d’autre part. « Le Burkina Faso ne se limite pas dans les villes » , s’insurge-t-il. Il estime que les communes rurales manquent toujours de l’expertise nécessaire pour assurer la gestion des ouvrages d’eau. « Nous appelons de tous nos vœux les politiques à œuvrer davantage à appuyer les petites villes et le milieu rural avec la ressource humaine nécessaire. »

Tûwênd-Nooma Jean Damase ROAMBA, Observateur Civitac, région de l’Est

     

 

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